Pasaia, la chapelle Santa Ana, le fort Sainte-Isabelle, l’église Saint-Jean, les batelières, la Piedad, le Miracruz

En suivant cette rampe, nous voyons se dérouler Passages; Un ouvrage bien plus volumineux que celui-ci serait nécessaire pour écrite l'histoire de ce port d'où sont sorties; pendant les trois derniers siècles, plusieurs escadres qui contribuèrent à consolider la domination de la monarchie espagnole dans les régions lointaines. Ce port célèbre est situé entre deux rochers et des montagnes escarpées, en face de l'entrée défendue par le fort San Isabel que baigne l'Océan. […]

Voyez là bas la tour démantelée de Passages, dont les pierres jaunes se détachent sur une mer d'azur. Descendons près de ce bouquet d'arbres; voyez-vous déjà ces batelières plus pressées que les autres, qui viennent voir si la diligence ne laissera pas pour leur barque quelque butin : Juana Maria, Angelica, Manuela et tant d'autres, coiffées du petit chapeau de marin enrubanné. Nous leur appartenons jusqu'à ce que nous ayons fait un choix ; il faut se hâter, sans cela gare à nos habits ; quelques morceaux pourraient bien leur rester dans les mains. Cette promenade en bateau repose du voyage, et cette brise de mer fait un plaisir infini.

La vue est délicieuse d'ici. Cette vieille chapelle blanchie à la chaux est Santa Ana, que les marins voient de bien loin en mer ; ces terrains échelonnés sont pittoresques; toutes ces maisons se détachent sur des groupes de chênes; au-dessous, ces maisons dont les longs balcons de bois s'élèvent les uns sur les autres, les uns entiers, les autres rompus : la mer, dans les mauvais temps, vient battre incessamment la base de ces habitations; et la montagne de Jaizquivel, sur laquelle est appuyé Passages, va finir dans la mer, au pied de Fontarabie.

De cette petite place que recouvre ce vieux laurier qui s'échappe du roc, dirigeons-nous vers la place de la Constitution, et de là au bout de cette rue sombre où vous verrez l'église de Bonance; nous allons passer auprès. Il faut, pour habiter Passages, monter facilement, car la promenade vers laquelle nous nous dirigeons est au-dessus de nos têtes.

De cette esplanade nous voyons l'entrée du port, et à nos pieds le quartier des pilotes. Ces maisons noires et enfumées, bâties sur le flanc de la montagne, font bien; et ces lauriers verts et frais, qui partout bordent notre chemin, et qui vont joindre le sentier profond qui descend de la montagne ! […] Asseyons-nous sur ces rochers qui semblent posés exprès par la nature pour inviter à la méditation. Nous entendons les lavandières. Ces femmes, qui sont dans l'eau jusqu'aux genoux, frappent le linge en mesure : elles chantent en chœur un air du pays; Le chant des laveuses est en harmonie avec le lavoir, espèce de grotte naturelle tapissée de lierre. […]

Laissons l'escalier de la chapelle qui conduit à la Piedad; nous reviendrons par la rue. Après avoir vu le cimetière anglais, nous irons voir l'église Saint-Jean qui date de 1545. Il faut la visiter le dimanche. Ce qui ne se retrouve pas partout, ce sont les chants de ces pauvres pécheurs qui prient avec tant de recueillement et chantent en partie. Les sons de l'orgue accompagnent, et, de temps en temps, une belle vois de ténor se fait entendre. Il y a tout un monde entre la musique religieuse en Espagne, et les sons aigres de nos chants des églises de campagne et de nos petites villes. Ici, comme dans le pays Basque de France, il y a une galerie pour les hommes et des bancs réservés près de l'autel. Depuis peu de temps, on a introduit des chaises pour les femmes ; autrefois, elles s'agenouillaient toutes, sans distinction de classes, sur ces petits tapis qui jonchent le sol, ayant devant elles un rond de petites bougies en cire jaune ou blanche, qu'elles laissaient brûler pendant la cérémonie. Le retable est, comme dans toutes les églises espagnoles, tout couvert d'ornements dorés, de sculptures et de colonnes torses. La sacristie est aussi curieuse à visiter pour ses armoires sculptées.

Revenons au port, nous allons passer sous beaucoup de maisons au travers desquelles on a percé la rue. Deux rangées de ces maisons, dont l'une est adossée à la montagne et l'autre baignée par la mer, résument Passages. Comme pittoresque, cette ville ne laisse rien à désirer : la mer, de beaux rochers, sa tour démantelée et ce vieux fort lui donnent un aspect théâtral. Les batelières du port de Passages sont si habiles dans le maniement des avirons, que le duc de Medina de Las Torres écrivit à St-Sébastien, en 1660, pour qu'on lui envoyât douze batelières, afin de divertir Philippe IV, à Buen-Retiro. […]

A St-Pierre, comme de l'autre côté, les habitants sont tous pêcheurs ; l'église est assez jolie […], et nous aussi, nous quittons Passages, et cet adieu n'est pas sans regret. La marée nous permet d'aller jusqu'à La Herrera; nous verrons mieux le pays en marchant au pas de promenade jusqu'à St-Sébastien, où nous entrerons dans un moment. D'ici, ce bassin de Passages est d'un effet charmant. Jetons un dernier regard sur ce paysage, et arrivons au point culminant de la route, à Miracruz, d'où nous apercevrons St-Sébastien assis au pied de son rocher. Je vous dirai l'histoire de cette ville avant de franchir son premier mur d'enceinte. […]

 

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