Fontarrabie, la rue principale, la guerre, l’église gothique, le palais royal, les cortinas, le port de la madelaine, les Jumeaux, la route royale

En face d'Irun, de l'autre côté de l'embouchure de la Bidassoa, est située l'antique et pittoresque Fontarabie, petit port et autrefois place forte. Son nom est une corruption du latin : Fons rapidus. […]

En profitant de la marée, nous arriverons en vingt minutes à Fontarabie par la Bidassoa, et nous reviendrons par la route. De cette façon, le trajet sera plus varié. Toute cette plaine est coupée par une multitude de canaux. Malheur au voyageur qui, pour abréger sa route, veut suivre les petits chemins : il s'embourbe horriblement ; j'y ai été pris. Depuis, j'ai juré de ne suivre, en pays inconnu, que les sentiers battus. Débarquons pour suivre une petite allée d'arbres qui conduit à cette porte. Elle nous est cachée en ce moment par cette mule chargée d'immenses paniers. A gauche, la ville ressemble à un monceau de ruines; ici, c'est son côté le plus brillant. Asseyons-nous un instant sur ce petit parapet, au bord de ce fossé, et nous verrons la rue principale de Fontarabie, qui a un pur cachet de ville espagnole, avec ses grands balcons d'une serrurerie ouvrée, ces rejas derrière lesquelles on voit sans être vu, et ces miradores, espèce de cages en verre qui sont fort curieuses.

Quelle masse de pierres ! Ces maisons qui semblaient construites pour défier les siècles, sont percées à jour par les boulets ! Bon nombre de ces grands écussons qui décorent fastueusement les habitations sont mutilés. On croirait, tant les ruines semblent récentes, que l'ennemi vient de quitter la ville.

Le clocher termine bien cette rue montueuse. Allons visiter l'église. Elle est plus gothique à l'intérieur qu'à l'extérieur : son retable est beau ; les sculptures sont bien exécutées. […]

Nous voici sur la place. Nous avons devant nos yeux la façade du Palais-Royal, grande maison construite par Don Sancho Abarca, roi de Navarre, et attribuée à Charles-Quint. […] Sortons par cette poterne. Le chemin est peu commode depuis que la mine a abattu les épaisses murailles sur le bord desquelles on passe. Rien des pieds ont foulé ces pierres sans qu'on ait jamais songé à déblayer le chemin. Tout en philosophant, nous arriverons au village de la Madeleine, petit port de pêcheurs, Deux rangs de maisons forment rue, Ces barques qu'on radoube; ces autres que l'on construit tout au bord de la mer; ces vieilles femmes mal peignées, échevelées, berçant des enfants ; cette autre, brune, au teint basané, aux traits d'une régularité parfaite, et qui semble absorbée par le raccommodage d'un filet, tout cela nous annonce une population active de pêcheurs, Cette falaise qui s'avance et que baigne l'Océan, est formée d'un calcaire semblable à de la pierre lithographique. Vis-à-vis sont les Deux Frères (los Dos Hermanos) dont je vous ai parlé. Revenons à Irun où la diligence nous attend. […]

Des enfants, avertis par les grelots des mules, quittent ces vergers couverts de pommiers, ou leur maisonnette isolée, disparaissant sous la vigne échevelée. Ils nous présentent, au bout d'une gaule, un petit panier contenant quelques pommes ou des raisins accompagnés de fleurs, suivant la saison. Ils ne demandent rien, mais leur course prolongée nous annonce qu'à leur tour ils attendent aussi un souvenir du voyageur. On retrouve partout, sur la grande route qui traverse les provinces Basques, cet usage qui doit être fort ancien. Dans quelques endroits, les enfants chantent en s'accompagnant de la panderette (tambour de basque). […]

A vingt minutes d'Irun, à droite de la route d'Oyarzun, se trouve la nouvelle route royale. Il n'y a que peu d'années qu'elle passe devant Passages. Autrefois, pour se rendre à Saint-Sébastien, le trajet se faisait à cheval ou en cacolet : en suivant un petit chemin au pied de Jaizquivel, on arrivait à Leso, après avoir laissé sur le chemin une habitation dont les propriétaires donnaient de l'inquiétude au voyageur attardé. Les abords de Lanchisqueta étaient fort redoutés. Aujourd'hui, la route est belle et libre ; quelques maisons nouvelles s'élèvent ; les landes incultes sont défrichées dans bien des endroits, et un poste de miquelets(1), établi au milieu de la distance qui sépare Irun de Passages, donne toute sécurité pour parcourir ce pays de jour ou de nuit.

Une fois sorti de cet encaissement formé par une montagne qui a été sectionnée pour livrer passage aux diligences, le pays devient boisé ; on aperçoit à gauche un petit pont couvert de lierre.

Nous touchons à Renteria où nous ne resterons que quelques instants : le temps de parcourir ses rues gothiques et de visiter son église.

 

(1) Les miquelets sont payés par la province. On les distingué par une plaque posée sur leur eliaprau et sur laquelle on lit : Miqueletes de la provincia de Guipuzcoa. Ils accompagnent les voitures ou les piétons quand les voyageurs le jugent nécessaire.

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