Présentation générale, le Pont Mayou, les grisettes et les paciegas

BAYONNE, au confluent de la Nive et de l'Adour(1), est une des villes les plus agréables et les plus animées du Midi. Sa population, de 18 000 âmes environ, n'est pas en rapport avec l'importance que lui donne sa position géographique. Son port est fort joli ; et quand, au soleil couchant, le voyageur, après avoir parcouru depuis Bordeaux ces landes sablonneuses et tristes, ces forêts de pins, ces champs de bruyères et de genêts, aperçoit, des hauteurs de Saint-Etienne, cette ville se reflétant dans les eaux, ce pont monumental qui la relie à Saint-Esprit, ces coteaux couverts d'arbres, de maisons de campagne, de jardins ; qu'il aperçoit ces mille plans sur lesquels l'œil de l'artiste se repose avec tant de charmes, et sur lesquels chatoie cette belle poussière d'or que jette le soleil à son déclin ; tout cela, terminé par un horizon de montagnes qui laisse voir, dans son atmosphère si chaude, le pic du Midi, couvert de neiges éternelles, le Mondarrain, la Rhune, les trois Couronnes, enfin Aizquivel qui se perd dans l'Océan, il est impatient de connaître la reine de cette riante contrée.

En entrant par le pont Mayou, l'aspect de ces rues animées par des maisons ornées pour la plupart de balcons, est vraiment pittoresque; les enseignes en langue étrangère donnent à Bayonne un air de ville espagnole. L'étranger surtout est frappé de la variété des costumes.

Remarquez ces dames qui sortent de ces magasins de nouveautés si élégants : les unes, avec cette gracieuse mantille; les autres, avec ces longs châles bariolés de jaune, de rouge et de bleu; ces arriéras conduisant leurs mulets; ces Aragonais au teint cuivré; cet essaim de jeunes filles coquettement coiffées d'un petit mouchoir. Elles sont jolies, n'est-ce pas ? Ce sont les grisettes de l'endroit. Voici l'heure à laquelle elles quittent le travail. Si vous voulez voir des types gracieux, des tailles élancées, un air mutin et décidé, venez dimanche vous promener sur la Nouvelle Place-d'Armes.

 

Que pensez-vous de ces paciegas si préoccupées de leur commerce ? Elles achètent de vieilles robes, de vieux chiffons à cette Basquaise. Avez-vous vu celle de droite ? Vous êtes surpris de ce balancement continuel ; elle fait un pas en avant, puis un en arrière : voyez le panier qu'elle a sur le dos. Sa compagne ne porte qu'un gros ballot de chiffons noirs; le fardeau de la première est plus précieux, car sur ses marchandises repose un gros marmot ; il est là aussi à son aise qu'il le sera demain dans la montagne, lorsqu'après les achats finis, sa mère aura regagné le pays.

Ici le Béarnais à l'œil vif et spirituel, contraste avec le Basque à la tournure hardie et fière. Ces conversations qui se croisent en idiomes si différents, donnent de la vie et de l'originalité à tous ces groupes.

 

(1) La Nive prend sa source à 3 lieues de Saint-Jean-Pied-de-Port, et l'Adour dans les montagnes des Hautes-Pyrénées, à Trémoula.

 

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