La maison basque

Les maisons des Basques, souvent ornées de balcons envahis par des pampres de vignes, et dont la façade est presque toujours disposée du côté du levant, sont bien construites, vastes et blanchies à l'approche des principales fêtes de l'année au lait de chaux, ce qui les fait agréablement ressortir sur un fond de verdure d'une végétation vigoureuse. Un jardin couvert d'arbres fruitiers, de fleurs, d'excellentes plantes potagères et surtout du bipherra (piment ou corail de jardin), dont ils font un grand usage, puis un verger, une vigne, entourent ordinairement la maison ; les bois, les pâturages et les fougeraies, tout cela forme, y compris les terres labourables, l’etchealtea (propriété) héréditaire qui est dévolue à l'etcheco premua (héritier), ou à l'etcheco prima (héritière), selon que l'un ou l'autre est l'ainé, usage qui est encore en vigueur.

Aspects physiques, costumes

La population basque n'est pas seulement belle, mais elle a un type particulier qu'on ne retrouve nulle part. Les hommes sont généralement grands et bien proportionnés ; leur traits sont réguliers, le jeu de leur physionomie, d'une grande mobilité, réunit à la fois l'expression de l'intelligence, de la vivacité et du courage ; leur port est fier et majestueux; leur corps acquiert rarement de l'embonpoint, et leurs membres fortement musclés, dénotent la force, comme leur démarche annonce une agilité incomparable.

Leur costume est simple, élégant et pittoresque : un pantalon assez large a remplacé la culotte d'autrefois ; une veste, anciennement de couleur rouge, est maintenant de velours comme le pantalon, ou en drap de couleur foncée; un foulard négligemment noué ou simplement retenu par un anneau d'or ou d'argent, retombe sur une chemise de toile d'une grande finesse, dont le col est rabattu, et qui rivalise de blancheur avec la neige. Ils portent coquettement sur l'oreille un berret ordinairement bleu, quelque fois rouge, surtout en Navarre et en Biscaye, de dessous lequel il s'échappe des flots de cheveux bruns qui ondulent sur leurs épaules ; leur gilet est aussi de velours ou de drap rouge garni de plusieurs rangées de boutons en métal doré ou argenté qui retombent en grelots; une ceinture de soie rouge entoure leur taille dégagée; des ezpartiñac (alpagattes), faites de cordes de chanvre et couvertes d'étoffe de coton ornée de broderies en laine de couleur voyante, chaussent leurs petits pieds; dans quelques lieux ils portent une autre chaussure appelée arbarcac, faite de peau de bœuf brute. C'est à l'usage de cette chaussure que Sanche II dut son surnom de Sancho Abarca.

Ils portent à la main leur inséparable maquila (bâton de néflier), espèce de massue d'hercule, garni de cuivre et plombé, qui devient en leurs mains une arme redoutable, lorsqu'ils s'élancent dans une mêlée en poussant leur juron favori : Debruen arima (âme du diable !) Il est alors assez rare qu'il n'y ait point quelque tète de fracassée ou quelque membre brisé.

Les jeunes filles, presque toutes d'une beauté remarquable, ont une admirable fraîcheur, une peau blanche et fine, une figure ovale, des yeux vifs, humides et doux à la fois, on ne peut plus expressifs, de beaux sourcils mobiles qui trahissent les sentiments divers qu'elles ressentent, un nez caractérisé, une bouche petite, vermeille, de jolies dents, des cheveux bruns ou noirs, des traits fins et distingués, voilà l'ensemble de leur physionomie riante, gracieuse et fière. Les formes de leur corps pourraient servir de modèle : une taille svelte et déliée, sa cambrure, la souplesse de leurs mouvements démontrent qu'elles ne sont pas moins agiles que les hommes. Leur costume est simple et gracieux ; elles aiment assez les étoffes de couleurs voyantes. Un mouchoir qu'elles nouent sur le devant de la tête, retombe par derrière et ondule au gré des vents. Elles le portent de préférence d'une couleur éclatante, ou un carré blanc ; mais ce dernier annonce ordinairement que celle qui s'en pare est une héritière des familles aisées du pays. Ce n'est que dans de rares endroits qu'elles se chaussent d'alpagattes ou d'abarcac, car elles sont très-difficiles sur les petits souliers qui doivent emprisonner leur pied mignon. Dans les provinces Vascongades, beaucoup d'entr'elles placent le mouchoir plié en fichu, qui laisse échapper une tresse de cheveux qu'elles relèvent et font tenir au côté de la ceinture; d'autres ne portent rien à la tête; du reste, leurs magnifiques cheveux, qu'elles arrangent artistement et avec grâce, leur servent assez d'ornement, ou elles se parent de la jolie mantille, surtout pour aller à l'église ou à la promenade. Dans la Cantabrie française, les jeunes filles portent, pour se rendre aux offices divins, des mantaliñac (espèce de mantilles), faites de soie, garnies de blondes ; les femmes mariées mettent des capac (manteau en étoffe de laine qu'on appelle voile) ornées de dentelles ou de velours ; au-dessus des épaules, une coulisse resserre le capuchon arrondi de ce vêtement dont elle se couvrent la tête, mais pas assez pour qu'on n'aperçoive souvent à travers les dentelles une figure spirituelle et mutine, qui cependant conserve dans le fond la dignité et le recueillement que réclame ce saint lieu.

L’église, les jeux, les fêtes

Les Basques sont généralement très-religieux. Ils ne manquent jamais de se rendre à l'église les jours de dimanche et les fêtes. Les cimetières sont entretenus avec le plus grand soin par les familles et sont plantés de fleurs. Au sortir du temple, ils vont s'agenouiller sur les tombes des parents qu'ils ont perdus, et ne manquent jamais de répandre dessus des fleurs effeuillées, ou de déposer un bouquet, souvenir touchant donné aux restes d'une personne chérie que l'on regrette et que l'on pleure. Je n'ai jamais pu être témoin de ces pieuses attentions sans éprouver une vive émotion.

C'est ordinairement au sortir des vêpres que l'on se livre aux amusements favoris : le jeu de paume, où le Basque excelle et où il déploie l'adresse, la souplesse et l'agilité à lui particulières. Il se fait de très-grands enjeux, et surtout des paris où l'on a vu souvent mettre des sommes assez considérables. Plusieurs d'entr'eux ont acquis une sorte de célébrité dans ces espèces de joutes, ainsi autrefois Perkain, Attala: ce dernier jouait souvent ayant une mesure de maïs sur le dos et une main attachée, et une foule d'autres. L'on pourrait citer aujourd'hui le fameux Cascoña, ainsi que plusieurs lutteurs en ce genre qui font époque. Ils aiment aussi à pousser la barre. C'est un exercice qui demande de l'adresse, un bras vigoureux, des reins souples et musclés. Il consiste à lancer en avant ou en arrière, d'une marge qu'on ne peut dépasser, soit en prenant l'élan en pirouettant, ou en restant les pieds joints et en la saisissant vers le milieu, une barre de fer du poids de 15 à 30 kilogrammes, car de l'équilibre que l'on établit dépend souvent la distance que l'on atteint. On la lance aussi d'entre les jambes, ou bien en la plaçant horizontalement sur les pieds joints et l'élevant avec la main pour la projeter en avant. Charles IV, dit-on, ne dédaignait pas de se livrer à ce jeu dans lequel, d'après la chronique, il paraîtrait qu'il excellait.

C'est au son de la flûte et du tambourin qu'ils se livrent à la danse. Ils en ont plusieurs de caractère, surtout le saut basque qu'ils aiment avec passion. Cette danse consiste à faire des pas circulairement et sans se donner la main, en pirouettant sur soi-même et revenant en arrière; en mêlant la gravité à des accès de gaité qui se traduisent par des cris aigus qu'ils poussent, dirait-on, pour s'animer, s'il est possible, et se mieux délier les jambes. Dieu merci ils n'en ont pas besoin, puisqu'ils sont capables de faire 80 kilomètres du soleil levant au soleil couchant, ainsi que je pourrais en citer plusieurs exemples. Ce sont ordinairement les hommes qui se livrent au saut basque. Il leur arrive, la plupart du temps, de le danser en plaçant dans un appartement une chandelle au milieu de leur rond, et en conservant leur bâton suspendu au poignet par une dragonne de cuir.

Ce dont on ne parviendra jamais à priver un Basque, c'est de se rendre à sa fête locale qui dure toujours plusieurs jours. Je dirai môme qu'il est des Basques qui ont déserté du bord du Danube pour s'y rendre, mais ils rejoignaient immédiatement leur corps aussitôt que les jours de fête étaient passés, tant ils peuvent peu modérer ce penchant pour les amusements et les réjouissances, auxquels ils sont portés sans doute par suite d'une exubérance de santé et de vigueur. Les habitants des communes voisines se rendent par bandes joyeuses aux fêtes patronales, en poussant des cris prolongés qui ressemblent assez au hennissement d'un vigoureux étalon, cri qui chez eux est une manifestation de joie, de défi, un signal d'appel, de ralliement, de détresse, un signal de guerre, espèce de hourra qui est commun à presque tous les montagnards.

Dans les fêtes, on ne se livre pas seulement à la paume, à la danse ; mais il est rare qu'il n'y ait pas encore, surtout dans la Navarre, la course aux oies et à la clef ; quelquefois, mais dans les provinces Vascongades seulement, la course de taureaux. […]