La Bidassoa, le pont, Mazarin, San Marcial, la douane, la contrebande
C’est, le dernier village de la frontière, an bord de la Bidassoa, rivière qui sépare la France de l'Espagne. Cette rivière prend naissance dans les montagnes de Otamburdi, Otsondo, Ausa, Ariete, Izpegui et Urrichiquia (chaîne des Pyrénées), qui entourent la vallée de Bastan (Navarre). Son parcours est de 60 kilomètres environ; elle devient plus large en se jetant dans la mer, ayant Fontarabie d'un côté et Hendaye de l'autre.
Le nom de cette rivière est si ancien, qu'il en est fait mention en 1027, dans un écrit de l'évêque de Pampelune. Autrefois elle appartenait en entier à l'Espagne, ce qui donna lieu à plusieurs procès avec les maisons d'Urtubie et d'Hendaye. Pour réunir les deux rives, les Français firent construire un pont en 1825, et en abandonnèrent la moitié à l'Espagne. Près de ce pont se trouve l'île des Faisans, où eut lieu la conférence entre Louis XI et Henri IV, roi de Castille. Le costume pauvre et simple du roi de France étonna les Espagnols, et les historiens, en racontant cette entrevue, disent que Louis XI reconnut à l'Espagne la possession de tout le terrain couvert à haute marée.
En 1660, le cardinal Mazarin eut aussi une entrevue avec Don Luis de Haro, pour régler le mariage de la fille de Philippe avec Louis XIV. C'est en travaillant aux embellissements des deux baraques élevées au milieu de la rivière pour cette entrevue, que le célèbre peintre Velasquez fut saisi de fièvres tierces qui le conduisirent au tombeau.
En face, ce petit ermitage au sommet de la montagne, c'est San Marcial : il a été élevé en mémoire de la victoire que les Espagnols remportèrent sur les Français en 1522, le jour de saint Martial. Le 31 août 1813, ce point fut attaqué conjointement par le général Reille et le comte Clausel : l'un réussit, mais l'autre échoua complètement.
Nous voici sur le pont, et pendant que le commissaire spécial vise nos passeports pour entrer en Espagne, je vais vous donner les explications que je vous ai promises sur la contrebande qui, à elle seule, donne un peu de vie à la population de Béhobie. Riche ou pauvre, chacun s'occupe de ce commerce interlope. Le riche, pour augmenter son luxe de toilette et d'intérieur, la fait ouvertement; le pauvre, pour donner un morceau de pain à sa femme, à ses enfants, la fait en cachette : il encourt la prison et risque sa vie, car les carabiniers ne font pas de quartier. C'est la nuit qu'il voyage. […]
Jetons un dernier adieu à la France, nous entrons dans le Guipuzcoa.
Avant d'arriver à Irun, je vous dirai quelques mots sur ces provinces Basques qui ont lutté longtemps pour conserver les privilèges dont elles ont raison d'être si fières. Quand vous connaîtrez leurs institutions, la liberté dont elles jouissent, le désintéressement, le dévouement et la philanthropie des hommes qui les représentent, vous avouerez, sans le dire trop haut, que les hommes d'État d'une grande nation pourraient y puiser de sages enseignements.
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